Madame Andrée - une servante de Dieu parmi nous
Article paru dans la revue "La Famille orthodoxe", no. 78 (juillet, 2015)
Nous fêtons le Dimanche des Saints Locaux (le deuxième Dimanche après la Pentecôte) et je prends la liberté de parler de l'un des Justes, pourrions-nous dire, de la terre belge: Madame Andrée. Il s’agit d’une femme née en Belgique, qui a grandi en Belgique et s’est convertie à l'orthodoxie à l’âge adulte. Elle a eu une vie banale si on la regarde de l’extérieur: elle provenait d'une famille de douze enfants, a fait des études, a travaillé quelques années, ensuite s’est mariée avec Marc, avec qui elle a eu six enfants, qu'ils ont élevés ensemble avec beaucoup d'amour et de sacrifices. À un certain moment de sa vie, elle a développé un cancer. Elle a lutté beaucoup, a beaucoup souffert, et maintenant elle est partie au ciel.
Mais du point de vue de la Providence divine, certainement, sa vie - en apparence si banale - est d'une grande importance pour notre communauté, parce que, honnêtement parlant, c’est à partir d’elle que tout a commencé. Et si nous sommes ici aujourd'hui dans cette église, si nous prions ici depuis trois ans, si depuis trois ans nous célébrons ici la Divine Liturgie, si nous pouvons rencontrer Dieu ici, si de nombreuses personnes ont trouvé la paix dans ce lieu, en priant, en se confessant, en communiant, en se renouvelant du point de vue spirituel, c’est à Dieu que nous devons tout cela, bien sûr. Et Dieu a choisi de faire connaître Sa volonté à travers Andrée. Et voici comment les choses se sont passées ...
Une leçon de vie
Comme amie de la famille, Andrée était au courant de mon désir de trouver un endroit pour fonder un monastère pour les Roumains en Europe occidentale. En janvier 2011, elle a découvert que les possessions d'une communauté catholique étaient mises en vente et elle a appelé le propriétaire. Il l’a éconduite, en lui disant qu’il avait déjà contacté toutes les communautés orthodoxes de Belgique – y compris les représentants des paroisses roumaines- et aucune n’était intéressée. Mais Mme Andrée a insisté à maintes reprises, en lui disant que cette fois-ci il s’agissait d’une nouvelle paroisse, avec un nouveau prêtre, qui voulaient venir voir l'endroit. Sa persévérance à fait céder le propriétaire, qui finalement a accepté de me rencontrer. C’est comme cela que j’ai découvert l’ancien monastère catholique de la Résurrection à Vedrin, dont les offices étaient fréquentés par Andrée et sa famille lorsqu’ils étaient catholiques. Les bâtiments étaient en train d’être "réajustés" à des fins commerciales, à moins que ne se présente un acheteur intéressé par leur utilisation comme lieu de culte. Avec la bénédiction et le soutien de Monseigneur Joseph et le sacrifice de nombreux compatriotes – et en particulier des ceux qui constituent aujourd'hui la Paroisse de "Tous les Saints" de Vedrin - nous avons réussi à acheter cet établissement et donc à fonder notre monastère en Belgique.
Vous voyez, si Andrée n’avait pas prié, si elle n’avait pas insisté pour convaincre le vendeur de nous accorder une chance, si elle n’avait pas voulu ardemment m’aider, si elle s’était découragée après la première réponse, nous ne serions pas ici aujourd’hui. C’est une leçon très importante pour chacun de nous concernant la persévérance dans la bonne pensée, la bonne intention et le don de soi dans la prière – une prière qui lui a ouvert le cœur, en la préparant pour l’œuvre de Dieu qui s’est faite à travers elle.
C’est pourquoi je ne peux expliquer notre rencontre avec Andrée que dans une perspective eschatologique. Au premier siècle, l’on nommait «saints» Ephésiens 1: 1 ceux qui luttaient pour acquérir le Saint Esprit, qui étaient des membres du Corps du Christ - l'Église. Ce sont ces «saints» qui «nous jugeront»1 Corinthiens 6: 2, nous dit l’Apôtre. Pas nécessairement Saint Paul qui a vu le quatrième ciel, ni Saint Silouane qui a vu le Christ dans la lumière incréée – oui, ils nous jugeront aussi, mais je pense que notre jugement s’avérera plus sévère lors de la rencontre avec des gens comme Andrée, nos contemporains, vivant dans la même société qui a nié Dieu, souffrant de la solitude (non voulue!) et de la maladie pendant de nombreuses années, partageant la même «frustration» que beaucoup de femmes chrétiennes d'aujourd'hui: parce qu'elle était également une femme dotée de dons de toutes sortes et pourtant elle avait choisi de donner naissance à six enfants et de rester à la maison pour les élever. Bien qu’elle ne se soit pas accomplie dans la vie sociale ou dans sa carrière, comme on dit, bien que ses amis et des membres de sa famille se moquaient d’elle («Tu n’es pas capable de quelque chose de mieux, tu fais ce que ton mari te dit, tu dépends de lui»), elle a pris la liberté de choisir le Christ. Et pour cela, craignons notre rencontre au Jugement Dernier avec ces gens; car le jugement de notre propre conscience ne sera pas aisé, nous qui avons beaucoup su, qui avons beaucoup reçu (entre autres, comme un don de Dieu, ce n’est pas une petite chose d’être né dans un pays orthodoxe!) et avons fait peu, si peu…
Être honnête avec le Seigneur et dans un dialogue ininterrompu avec Lui
Comment Andrée est-elle arrivée à une telle mesure ? Tout d'abord, elle a vécu une conversion continue tout au long de sa vie. Elle s’est entièrement instruite dans l’enseignement de l'Église ; et au long des cinq-six années où je l’ai connue, je n’ai jamais remarqué une mauvaise attitude, une attitude qui ne soit pas conforme à l’enseignement du Christ. À une époque où elle ne comprenait pas le sens de sa maladie (elle a lutté pendant quatorze ans contre le cancer), elle s’est révoltée contre Dieu, en ayant peur qu’elle ne vive pas pour voir grandir ses petits-enfants. Mais elle n’a pas caché une telle chose, elle s’est confessée, elle m’en a parlé et a reçu avec joie la parole que je lui ai donnée : qu’elle demande au Seigneur qu’Il parle à son cœur, qu’elle n’attende pas ni des hommes ni des livres spirituels la réponse à sa question « pourquoi Dieu a-t-Il permis cette souffrance ? » Je me suis réjoui lorsque, quelques semaines avant sa dormition dans le Seigneur, nous nous sommes rencontrés et nous avons eu une longue discussion dans laquelle elle m’a dit qu’elle avait trouvé la paix avec Dieu et venait de comprendre le pourquoi de son cancer. Je n’ai pas cherché à savoir, ce n’était pas à moi de comprendre le sens de sa maladie. C’était entre elle et Dieu et cela devait rester comme celà. C’était son chemin de salut, sa souffrance, assumée en Dieu. Et voici une autre chose qui est très importante : nous prions toujours, nous faisons semblant de parler à Dieu, mais le plus souvent notre prière est très faible et on se demande comment nous pourrions obtenir de l’inspiration. L’exemple d’Andrée est très parlant pour moi et peut l’être pour plusieurs d’entre nous : chaque larme, chaque goutte de sang coulée de notre cœur, de la souffrance physique ou spirituelle, de l’isolement, de la maladie, tout échec, tout malheur …tout cela, s’il est accepté sans révolte contre Dieu, donne beaucoup de force à notre prière. Cela renforce notre effort de prière et lorsqu’une telle personne se met à genoux devant Dieu, ses paroles s’élèveront sans entrave vers Dieu, qui a volontairement souffert et est mort sur la Croix pour notre salut, vers le cœur de Celui qui, étant sans péché, a versé Son sang pour nous.
Andrée a été une personne qui a éduqué son esprit et a renforcé son cœur, en essayant toujours de rester ferme devant Dieu. C’est très souvent que je l’ai vue, dans des situations diverses, trouvant les attitudes justes - juste signifiant, le plus souvent, d’être sincère devant Dieu. Pas nécessairement de sauter de joie pendant une maladie, ou d’être joyeux lorsqu’un autre te cause une injustice; mais d’être honnête avec Dieu et dans un dialogue continu avec Lui. Son esprit l’aidait beaucoup à faire cela, parce qu’il était plongé dans les mots de l’Évangile. Je n’ai vu, parmi les nombreux chrétiens pratiquants que j’ai connus, que je connais, que très peu de gens dont l’esprit soit immergé dans les paroles de l’Évangile comme celui d’Andrée. Elle avait toujours dans l’esprit et à la bouche un verset de l’Évangile ou d’un psaume, pour s’aider à sortir d’une situation, soit pour elle, soit pour ses enfants. Elle avait toujours l’attitude spirituelle juste.
Un christianisme pratique et pas théorique
Elle luttait pour dire toujours la prière du cœur, dans n’importe quelle situation où elle se trouvait. Chaque soir, elle récitait une règle avec „Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi ! ”, puis elle s’endormait en priant sur son chapelet. Très souvent elle se réveillait paniquée pendant la nuit, demandant à son époux: „ Mon chapelet, il est où ?”.
Toujours pleine d’amour, de bon sens et de pudeur, elle montrait aussi beaucoup d’humilité: elle avait beaucoup de dons du Saint Esprit, mais elle se positionnait toujours elle-même en dessous des autres. Les membres de sa famille m’ont raconté qu’ils ne l’avaient jamais vue énervée. Comme le Père Dionisie du monastère Colciu au Mont Athos le disait: « on ne peut pas avoir les nerfs tendus si on se voit soi-même en dessous de tous les autres. »
Une autre chose que tous appréciaient chez elle était sa permanente bonne disposition et son humour très fin. Chaque matin, si quelques-uns des membres de la famille étaient, peut-être, plus grincheux, elle les faisait rire. Elle avait un humour sensible, positif, et trouvait la manière de transformer un contexte banal en une source de bonne disposition: un jeu de mots, certaines circonstances….Et on connait tous l’importance de la bonne disposition dans la vie spirituelle! Et si parfois elle n’était pas souriante, c’était parce qu’elle était immergée dans la prière.
Elle faisait toujours attention à ne jamais gaspiller le temps. Elle ne perdait pas le temps en regardant la télévision. Son époux avait décidé d’acheter un téléviseur afin que les enfants puissent apprendre l’anglais en regardant des films, mais Andrée avait déclaré cet appareil son ennemi personnel « numéro 1 ». Et lorsque les enfants avaient grandi, elle collait, sur l’écran de la télévision, une phrase bien choisie, un mot de l’Évangile ou d’un saint Père, qui les aidait à résister à la tentation de plonger dans le sombre abîme du „petit écran”.
Ensuite, son sacrifice d’elle-même était total et impressionant. Elle s’est occupée de ses enfants jusqu’au bout, dans l’abandon total de soi-même, en renonçant à tout souhait personnel et volonté personnelle. Son époux, M. Marc, m’a raconté comment elle a soigné un oncle qui était gravement malade. A un certain moment, il l’avait très mal traitée. Néanmoins, juste le lendemain d’une opération qu’elle avait subie elle-même, Andrée s’en était allée le voir, pour continuer à le soigner, essayant aussi d’apaiser ses douleurs, comme si rien ne s’était passé. Christianisme pratique, pas théorique!
Cette attitude est aussi relevée par de nombreuses situations que M. Marc m’a racontées.
Lorsqu’il lui avait demandé sa main, elle lui avait répondu qu’elle donnait son accord, mais qu’elle devait lui annoncer qu’elle aimait quelqu’un de plus. Le pauvre Marc, qui venait de commencer à aller à l’église (par amour pour Andrée), avait senti le ciel lui tomber sur la tête à ce moment-là. Mais il s’était calmé lorsqu’elle avait ajouté : „J’aime le Christ plus que toi. Et ce sera toujours comme ça”.
Un autre exemple: ils étaient allés une fois à un service religieux dans un monastère, où les moniales avaient traité les enfants avec sévérité. Marc, avec son tempérament un peu impulsif, s’était fâché et était parti à la maison. Après l’office, lorsqu’Andrée arriva à la maison, elle lui demanda: „Marc, qu’est-ce qui s’est passé?”. „Mais tu n’as pas vu comment elles traitaient les enfants?” (elles étaient très aimables envers les enfants des riches, tandis qu’avec leurs enfants, plus pauvres, elles étaient plus sévères). Andrée avait continué: „Et quel est le problème?”. „Mais les moniales ont fait ça et ça”. „Mais toi, tu es venu à l’église pour les moniales ou pour Dieu?”. Evidemment, elle l’avait mené vers une autre dimension, une autre perspective. Il s’était confessé alors et avait fréquenter sans trouble cette église-là.
Plusieurs fois, dans la voiture, ils se trouvaient derrière quelqu’un qui allait trop lentement et Marc, nerveux et pressé, disait: « Qu’est qu’ils font ces gens au volant?! Qui leur a donné le permis de conduire?! » (Les chauffeurs connaissent bien ce genre des pensées qui surgissent dans leur tête dans de telles situations). Andrée, très calme, lui répondait: „Marc, réjouis-toi, car nous avons plus de temps pour dire la prière du cœur”. Et encore une fois, Marc se faisait tout petit devant elle, avait de la honte et se corrigeait.
„C'est à nous de nous humilier, ceci est notre devoir”
Un autre aspect très important, que j’ai remarqué plusieurs fois: les tensions humaines avec les voisins, en famille etc., et j’ai admiré sa façon de lutter. On pense souvent que nos maladies corporelles ou nos maladies spirituelles proviennent des traumatismes ou des péchés évidents; pourtant, celles-ci proviennent aussi du désordre spirituel, des conflits non résolus où on se donne des excuses pour ne pas pardonner, pour blesser… "C'est mon droit", "C'est comme je dis", "L'autre a tort" et ainsi de suite. J'ai vu Madame Andrée lutter en permanence pour résoudre ces conflits, tant à travers la confession, qu'avec d’autres méthodes. Elle disait, par exemple, d'une personne avec laquelle ils avaient une relation tendue à un moment donné: "S'il était chrétien… S'il était chrétien comme nous, on n'arriverait pas à cette situation et il serait meilleur que nous. C'est à nous de nous humilier, c’est cela notre devoir". Et tous les nœuds se déliaient tout doucement, avec ce genre d'attitudes humbles.
Et, à propos d'humilité, de dévouement et de non-justification de soi-même, Monsieur Marc me disait qu'il a réalisé après sa mort qu'Andrée n'avait rien eu "à soi": aucun objet, aucune habitude confortable… aucune prétention!
Chaque fois que j'allais chez eux je partais enrichi – l'état d'esprit qui régnait chez eux, leur communion dans la prière… Je vous l’ai dit : elle a élevé et éduqué six enfants (Marc dit qu'il a été son septième "enfant"), et elle les a éduqués tous dans la foi et en Christ. Plusieurs de ses enfants et son époux ont reçu le Baptême orthodoxe. Si tout cela n’avait été que des paroles et pas de la pratique, si cela n’avait été que la lettre, pas l’Esprit, vous vous imaginez qu'aucun d'eux n'aurait été impressionné, personne n'aurait suivi sa voie. Aujourd'hui tous ses enfants sont en relation vivante avec Dieu et ils connaissent par cœur beaucoup de Psaumes et plusieurs fragments d'Évangile. Tous les huit membres de la famille connaissent par cœur l'Évangile selon saint Marc. Tout cela a été bien sûr accompagné de beaucoup, beaucoup de tentations et d'attaques de la part de démons et de gens; par l'amour du Christ, ils les ont bien surmontés.
Puis, une autre observation : pensez à la force de sa prière, pensez à l'intensité de son amour pour le Christ et à quel point Dieu l'a aimée: elle avait souhaité une église orthodoxe plus proche de sa maison parce que, touchée par sa maladie, les trajets vers la paroisse où elle se rendait depuis plusieurs années (mais assez loin) étaient devenus difficiles. Et Dieu a bien voulu que trois parmi toutes les paroisses orthodoxes de Belgique, peu nombreuses, soient créées les dernières années par des communautés orthodoxes (roumaines, grecques, russes), dans un rayon de seulement quelques kilomètres de sa maison!
Sa vie continue par les semences qu’elle a répandues
Marc, l’époux de Madame Andrée, me confessait qu’il regrette profondément qu’il n’ait pas été assez présent pour elle, que même lui, qui a vécu quarante ans à ses côtés, ne l’a pas vraiment connue. C’est seulement après son départ qu’il a commencé à comprendre la grandeur de la personne avec laquelle il avait vécu.
Moi-même j’ai un profond regret de ne pas m’être assez servi des rencontres avec elle. Comme presque chaque fois que quelqu’un part de cette vie, de ce pays, je me rends compte du trésor qui probablement se trouvait dans cette personne. Or moi, j’ai traité avec légèreté, avec indifférence son passage dans ma vie… Je fais ici ma propre confession, ma propre pénitence, mais je pense que chacun, non nécessairement lié à Andrée, mais lié à autant d’autres, devrait faire aussi sa propre pénitence. Et cela ne veut pas impérativement dire regretter qu’on n'ait pas fait ce qu’on aurait pu faire, mais plutôt commencer à vivre autrement. Chérir autrement nos relations. Dieu souhaite qu’on vive toutes les rencontres avec les gens dans notre vie comme providentielles, capables de nous rapprocher de notre salut. Qu’elle soit bonne, qu’elle soit méchante, cette personne peut m’emmener plus près du Paradis si je me situe correctement par rapport à elle. Vivant ainsi, luttant ainsi, nous deviendrons plus attentifs à la profondeur de l’autre, beaucoup plus prêts à découvrir la ressemblance de Dieu en lui. Je dis cela car c’est ainsi que j’ai vu vivre Andrée: ouverte vers l’autre, avec une infinie patience et douceur, cherchant toujours à avoir la “bonne pensée”.
Et je pourrais parler encore beaucoup sur elle, mais je ne vais plus raconter que sa fin, après autant de souffrances épouvantables. Comme on le lit dans l’Évangile lors de la fête des justes, la mort des justes semble être une punition, mais à travers les yeux de Dieu les choses apparaissent complètement différentes: “leurs âmes sont dans Sa main” Sagesse Salomon, 3:1-8. Andrée était arrivée à un haut niveau spirituel, et Dieu a trouvé que c’était le meilleur moment de sa vie, aussi Il l’a emmenée chez Lui. C’était exactement le moment où elle venait de se réconcilier en tout avec Dieu, où elle avait dénoué tout ce qui la liait à ce monde, où elle avait trouvé la force de se séparer de la famille qu’elle aimait tant. D’ailleurs, ses derniers mots ont été: “Je vous demande pardon à tous et je vous prie de garder la foi”.
En pensant à tout cela, nous arrivons à comprendre que peu importe le nombre d’années que nous vivons, mais c’est la façon dont nous vivons qui compte ; nous comprenons que, après cette mort corporelle (qui n’est pas la mort lorsque l'homme croit que le Christ est le Rédempteur), notre vie continue dans l'éternité devant Dieu, et sur terre à travers ce que nous avons laissé derrière nous. Les conséquences de nos actions, de nos pensées et de nos paroles résonnent encore sur la terre jusqu'au jour du Jugement Dernier.
Donc, cela signifie que chaque fois que nous nous réunissons ici, dans cette église, chaque fois que nous prions, la vie de Mme Andrée continue. Chaque prière dans cette église sera un autre témoignage devant le trône de Dieu qu'elle n'a pas vécu en vain. Chaque fois que ses enfants prient, chaque fois qu’ils choisissent de vivre selon les commandements et ce qui est agréable à Dieu, ils joueront le rôle du meilleur «défenseur », car sa vie se poursuit dans la postérité à travers les semences qu’elle a semées.
« Veillez » Marc 13 :37
Ses deux derniers jours, Andrée les a passés à l'hôpital parce qu'elle ne pouvait plus supporter la douleur. Elle a également dit à son mari en sortant de la maison pour une dernière fois: « C’est le dernier chemin que je fais à l'hôpital ». Quelques heures avant sa mort, elle a appelé le prêtre, elle s’est confessée et a communié au Corps et Sang du Christ. Puis, entourée de ses enfants et son mari qui lui ont chanté le Psaume 22, elle s’est endormie dans les bras du Seigneur. Le psaume qu’elle leur avait enseigné, le psaume de la dormition : « Si je marche dans l’ombre de la mort, je ne craindrai plus aucun mal, car Tu es avec moi ». Et en chantant le psaume, ils l’ont encouragée à partir : « Maman, va vers Celui que tu as tant aimé et intercède pour nous ! ». Et ils se sont séparés, mais c’était une fin de vie qui a couronné toute sa vie, la vie d’une personne qui a aimé Christ de tout son cœur.
L’un des témoins de son trépas a été extrêmement ému par ce qu’il avait vu et vécu alors : « Je n’ai jamais vu une telle famille, qui encourage la personne la plus chère à aller vers le Seigneur ! ».
J’avais demandé à Mme Andrée de nous enseigner, dans la paroisse, l’Évangile selon saint Marc et elle avait bien ce désir de venir nous enseigner, nous et nos enfants. En raison de sa maladie, elle ne pouvait pas venir si souvent à l'église pendant les dernières années de sa vie. Mais l'un des dimanches où elle est venue, elle nous a récité "par coïncidence" la partie finale du chapitre 13 de l’Évangile selon saint Marc. Eh bien, ce fragment ils l’ont récité Marc et ses six enfants à la fin du service funèbre, après l’enterrement, lorsque elle est descendue au tombeau. Le message de ce chapitre final est que nous devons veiller, parce que la fin de cette vie est comme dans la parabole du Maître de maison qui en partant loin donne à ses serviteurs, à chacun son travail et leur demande de veiller car personne ne sait quand le Maître sera de retour. Personne ne connait le moment de sa mort et pour cela le Christ nous dit à nous tous: «Veillez ! »" Marc 13 :37. Ce fut un moment vraiment émouvant. On sentait tous une grande paix, mais également la douleur de la séparation. Tout notre espoir était tourné vers le fait qu’elle partageait désormais la vraie vie, dans les bras de l’Époux bien-aimé de son âme. Et j’ai remarqué une très grande sérénité sur les visages et dans les cœurs des membres de sa famille. En outre, lors des funérailles, de nombreux hétérodoxes qui étaient présents ont été très émus par l'état d’âme et le témoignage orthodoxe donné par sa famille.
Nous entendons maintes fois qu'on nous dit à l'église: "Le sceau de notre vie est la mort". Tout cela a été pour moi une confirmation finale. Ce que j’avais vu chez Andrée avant sa mort n'était pas des mensonges, ce n'était pas des expériences superficielles, mais cela était vécu dans la profondeur de son cœur.
Que Dieu nous aide à ne pas vivre en vain, ne pas vivre le temps qui nous reste pour aller vers la perdition, puisque nous demandons toujours "une vie longue et la santé". Si nous n'utilisons pas pour nous approcher du Christ ces dons qu’Il nous fait : une vie longue – que Dieu donne vraiment à quelques-uns ! – et la santé qui renforce nos corps, alors nous serons condamnés pour le mépris de ceux-ci, que l’on soit membre de l’Église ou pas.
Je regrette de n’avoir pas pu dire plus et des choses plus profondes sur cette personne de Dieu. D'après Père Sophrony (en évoquant Saint Silouane), pour comprendre un saint, on doit être saint; pour comprendre un vertueux, on doit être à son tour un vertueux. Pourtant, je crois qu'il aurait été dommage ne pas partager avec vous au moins ce peu de choses que je viens d’évoquer, que mes yeux étroits et myopes ont aperçu dans la vie de notre sœur Andrée. J'espère que cela nous sera utile et qu'Andrée ne sera pas seulement un nom de "pieux souvenir", mais qu'elle sera notre médiatrice, notre exemple et notre initiation sur le bon chemin, en étant la première fondatrice orthodoxe de notre église à être partie aux cieux. Amen !